Buurtzorg, un modèle inspirant
La pandémie ne fait qu’aggraver la situation. Plus d’un professionnel de santé sur 3 ressent désormais un stress intense dans l’exercice de son activité. Nombreux sont les personnels infirmiers et de soins qui envisagent de quitter leur profession.
L’organisation du travail, les questions d’éthique, l’adaptation des soins, le temps…font que les équipes de terrain intervenant à domicile accusent fatigues physique et psychique. Or, d’autres solutions sont depuis longtemps expérimentées avec succès dans le cadre des soins à domicile notamment auprès des personnes âgées. Tel est le cas du modèle Buurtzorg lancé aux Pays-Bas en 2006. C’est un infirmier qui a imaginé le concept Buurtzorg que l’on traduit par « soins de proximité ». Démarrant avec une équipe de quatre personnes, Jos de Blok a voulu remettre de l’humain au cœur du dispositif de soins. Grâce à une plate-forme d’échanges l’équipe est en capacité de gérer la prise en charge du patient en totalité et en complète autonomie. Ce réseau social professionnel permet de relier les équipes soignantes en limitant le nombre d’intervenants au domicile du soigné et de partager l’information, les conseils, les bonnes pratiques…
Les valeurs de Buurtzorg
Dans ce modèle, il n’existe pas de système hiérarchique. Le management est vertical, copartagé entre les soignants qui rayonnent dans une zone géographique volontairement réduite. En revanche la responsabilité de chacun est requise. Les quatre piliers de cette organisation sont :
- penser d’abord au patient,
- réfléchir à ses actes et changer ses pratiques s’il y a lieu,
- la procédure passe après l’intuition et le bon sens,
- les relations font sens et les liens humains sont tissés entre le soignant et le patient.
De fait Buurtzorg permet d’une part, d’accompagner de façon mieux adaptée les patients en fonction de leur situation et de leur environnement personnels et d’autre part aux intervenants de s’épanouir pleinement dans leur métier. La confiance, la responsabilité, l’autonomie, la prise de décision et l’égalité entre chaque collaborateur est de mise. Cette méthode se réfère à un mode de management spécifique : l’entreprise libérée. Ainsi, les équipes prennent part au fonctionnement de la structure.
De surcroît, le travail en équipe fait émerger les meilleures solutions pour le patient. Le soignant est aussi le référent unique du patient et de sa famille. Ses résultats sont mesurés pour que des soins d’un haut niveau de qualité soient assurés.
Des soins de qualité et moins chers
En 2010, un audit de la société KPMG a conclu que Buurtzorg permettait une réduction de 40 % des dépenses d’aide et de soins pour chaque personne accompagnée avec une satisfaction clients au plus haut. En 2015, une autre étude démontre que Buurtzorg obtient pour un même service un nombre d’heures inférieur de 35 % par rapport à ses concurrents néerlandais, la diminution de 30 % des demandes d’admission aux urgences, la baisse de la durée des hospitalisations ainsi que 60 % d’arrêts de travail en moins comparé aux autres structures et 33 % de turn-over en moins concernant le personnel. L’entreprise compte aujourd’hui plus de 7 500 collaborateurs et Buurtzorg détient 70 % des parts de marché des soins de santé à domicile aux Pays-Bas.
Si le modèle a été dupliqué en Suède, en Allemagne et au Royaume-Uni, la France connaît quelques timides adaptations en raison d’une réglementation moins favorable. Cependant plusieurs SAAD (services d’aide à domicile) l’ont mis en œuvre avec des résultats positifs. Des initiatives ont également vu le jour. Citons l’association Soignons l’humain, le collectif L’humain d’abord, Alenvi, l’ADHAP de Rouen, Vivat…
En mars 2019, un rapport a été remis au ministère des solidarités et de la santé. Le rapport présenté par Dominique Libault, président du Haut-conseil au financement de la protection sociale, sur la concertation « Grand âge et autonomie » a mis en exergue parmi 175 propositions, la nécessité d’humaniser l’accompagnement des personnes âgées et de revaloriser les métiers du soin à domicile en redonnant du sens et en sortant des schémas traditionnels.
Il serait opportun de suivre l’exemple Buurtzorg en imaginant une organisation aussi performante et adaptée au contexte français et aux particularités de notre système de santé.