"Mon Logement, Ma Vie" Episode 18
Dans "Mon Logement, Ma Vie", les seniors ont la parole ! Dans cet épisode, rencontre avec Maurice, 68 ans. Il réside à Tissey, en Bourgogne. Veuf depuis 2 ans et à la retraite, Maurice est une personne très dynamique !
Dans "Mon Logement, Ma Vie", les seniors ont la parole ! Dans cet épisode, rencontre avec Maurice, 68 ans. Il réside à Tissey, en Bourgogne. Veuf depuis 2 ans et à la retraite, Maurice est une personne très dynamique !
Journaliste : Bonjour Maurice. C’est très gentil à vous de me consacrer un peu de temps et de bien vouloir répondre à mes quelques questions. La première d’entre elles est : comment ça se passe pour vous cette période ?
Maurice : Ecoutez, j’ai la chance d’habiter à la campagne. Je suis en dehors du village, dans un petit pavillon avec un grand terrain. Donc, je ne côtoie personne. Je travaille toujours un peu dans les vignes, parce que dans mon métier j’étais céréalier et vigneron. J’ai cédé à mes neveux. Ils m’embauchent tant d’heures par jour. Donc, je m’occupe, je suis à la campagne. Je ne côtoie personne. Pour les courses primordiales, je vais 5 minutes dans un petit Proxi et je rentre. On est quand même privilégiés. C’est vrai que quand on pense au virus Covid-19, ça fait peur. Ça me fait peur. Mais, je ne côtoie pas grand-monde pour l’instant. Donc, je fais partie quand même de ces privilégiés. Je ne reste pas chez moi, parce que soit je vais me promener et je vais faire un tour en vélo dans les normes légales. Du coup, on essaie de côtoyer le moins de monde possible. Moi, je pense que le Français a quand même compris. Le Français a peur. La circulation de voiture, on ne voit presque pas circuler les gens.
Journaliste : Comment est votre journée ? Vous vous levez à quelle heure le matin ? Après, vous faites quoi dans la matinée, le midi, l’après-midi et le soir ?
Maurice : Souvent, je me lève entre 7h et 7h30. Je prends mon petit verre de jus d’orange. Je pars à 9h30 dans mes vignes. Je ne suis pas obligé, mais ça m’occupe. Je ne vois pas le temps passer. Je fais 3 – 4 heures, des fois 6 heures par jour dans les vignes. Je ne pense pas trop au virus. C’est vrai, parce que quand on est cloisonné chez soi, on doit sûrement ruminer. Il n’y a aucune certitude. Moi, ce que je crains, c’est que les gens vont y avoir un peu marre. Ils vont se relâcher un petit peu et se dire : « le virus va peut-être disparaître », « on ne va peut-être pas l’attraper » …
Journaliste : Maurice, vous me disiez que vous passiez beaucoup de temps dans vos vignes. Tant mieux, parce que ça vous occupe l’esprit et ça évite de ruminer.
Maurice : Tout à fait. Je ne sais pas. J’ai été céréalier en plaine. Dans les vignes, il y a énormément de boulot. Ça m’occupe un petit peu une partie de la journée.
Journaliste : Et quand vous n’êtes pas dans les vignes, vous faites quoi ? L’après-midi, le soir… vous regardez la télé ? Vous lisez ?
Maurice : (Rire) Hier, j’ai fait 6 heures dans les vignes. Je suis retourné l’après-midi. Mais, il y a des après-midis où je n’ai pas envie d’aller travailler. Donc, je regarde la télé. Mais, le problème quand on est des vieux, au bout de 5 minutes, on dort. Non, mais c’est vrai. Je n’ai pas de souci, hein ! Je dors, et puis je me réveille. Après, je vais bricoler. Je vais me promener. J’ai un vélo. Je fais un peu de vélo. J’ai un chien berger allemand qui est toujours avec moi, qui me tient compagnie. Je vais le promener. Autrement, je bricole un petit peu. Je tonds la pelouse. Je vais m’occuper des fleurs, etc.
Journaliste : Qu’est-ce qui vous manque le plus finalement pendant cette période de confinement ?
Maurice : Ecoutez, j’ai pas mal de copains. J’ai énormément de copains. Donc, je ne vois plus personne. Ça arrive qu’un soir, on boit un petit apéro, modérément bien entendu. J’ai les petits-enfants qui habitent à vol d’oiseau en face, à 300-400 mètres. J’évite d’aller les voir. J’évite quand même, parce qu’on ne sait jamais. On arrive à un âge où on est quand même vulnérable. Le problème, c’est que c’est une maladie. On peut être porteur de la maladie et on n’a rien, en entendant les médias et les scientifiques. Les distances de sécurité, on dit 1 mètre. Je veux bien, mais ça ne change rien. Ce qui manque à la population, c’est de mettre des masques quand on va faire les courses. Il n’y a presque personne qui porte des masques. Pourquoi ? Il n’y a pas de masque en France.
Journaliste : Du coup, vous faites comment pour communiquer avec vos proches, vos copains ?
Maurice : Au portable. Je les appelle de temps en temps. Puis, les copains m’appellent. « Tiens, comment ça va Maurice ? ». Pour l’instant, ça va, quoi ! Il n’y a que comme ça qu’on communique. J’ai un ordinateur, mais je suis une ancienne génération. Les contacts sur Facebook et tout ça, ça ne m’intéresse pas du tout. On ne va pas s’habituer. C’est vrai que l’après-confinement, je vois ça très très mal.
Journaliste : Vous craignez une deuxième vague de la maladie ?
Maurice : Oui, je crains une deuxième vague.
Journaliste : Maurice, si on essaie un petit peu aussi de se recentrer sur vous. Dans votre maison, dans quelle pièce vous êtes le plus souvent ?
Maurice : J’ai un petit chalet que j’ai construit à côté du pavillon. Souvent, je bouquine. Je lis un peu de tout : bouquins de chasse…
Journaliste : C’est là-bas que vous êtes le plus souvent ?
Maurice : Oui, dans la journée. La nuit, je rentre quand même. Autrement, je mange dans la cuisine. J’ai une grande cuisine. Le problème est que je suis veuf depuis 2 ans. Ma femme est décédée il y a 2 ans. C’est pareil. Elle est morte d’une grippe. Vous vous rendez compte ? Ce qu’ils appellent la grippe A. Elle était à l’hôpital à Dijon pendant un mois. Elle a été intubée pendant un mois. Elle a été dans le coma. C’est pour cela que j’y pense. Ce n’est pas bon. Ce n’est pas le Covid-19 à l’époque, mais ça y ressemble quand même.
Journaliste : Quand je vous entends – vous avez 68 ans, vous êtes relativement jeune encore – vous êtes parfaitement autonome. Vous allez dans les vignes et tout ça. Pourquoi est-ce important pendant cette période là d’être complètement autonome, d’être chez soi et pas dans un établissement spécialisé ?
Maurice : C’est très très important. Moi, je vous garantis que chaque fois j’ai dit « moi aller en maison de retraite, non ! ». C’est vrai que c’est souvent la famille qui dit « écoute, tu es tout seul chez toi. Ça ne va plus. Va à la maison de retraite ». C’est vrai qu’à la maison de retraite, on est très bien. Mais pour moi, aller à la maison de retraite, c’est non. Je ne me vois pas à la maison de retraite. Mon père est allé en maison de retraite. Il avait 85 ans. Il est parti de lui-même. Il était tout seul, parce que ma mère est décédée quelques années auparavant. Il s’est laissé mourir. Il y était 2 – 3 ans. Il avait sa voiture. Dès qu’il n’a plus pu conduire, il s’est laissé mourir.
Journaliste : L’idée est de rester le plus longtemps possible chez soi, parce qu’on a ses repères chez soi.
Maurice : Tant qu’il y a la santé, oui. Mais moi, j’aime bien mon autonomie. J’aime bien être tranquille. Je fais ce que je veux. Si j’ai envie de me promener, je vais me promener. Je prends ma voiture et je vais voir un copain. Ou je vais faire un tour dans les champs.
Journaliste : Quand la maladie ne serait plus là. Qu’est-ce que vous referiez en premier ?
Maurice : J’irai certainement plus faire les courses en ville, là où il y a beaucoup de personnes, quoi ! Parce que vous savez, quand on a envie de croiser une personne, dans notre tête on se dit « il a peut-être le virus ». Donc, la première chose qu’on va faire, on va arroser ça.
Journaliste : Vous avez raison. Et puis dans les vignes, vous avez ce qu’il faut, non ?
Maurice : Oui. Les vignes sont belles. C’est vrai. C’est beau.
Journaliste : C’est quoi, c’est du blanc, du rouge … ?
Maurice : C’est du blanc, une appellation Chablis. C’est un des meilleurs vins blancs.
Journaliste : Maurice, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?
Maurice : Pour la suite, que le virus disparaisse, parce que ça pose quand même des soucis. Et puis, que je vive encore une vingtaine d’années.
Journaliste : Mais oui. Au moins. Vous avez la pêche en plus.
Maurice : Oui. Il faut bien.
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Témoignages recueillis par Jean-Baptiste Vennin