"Mon Logement, Ma Vie" Episode 22
Dans "Mon Logement, Ma Vie", les seniors ont la parole ! Dans cet épisode, nous nous rendons dans l’Hérault pour rejoindre un ancien gendarme. Il s’appelle Alain et vit avec son épouse et leur fils dans leur maison de Marseillan, à 30 km de Béziers.
Bonjour à tous. Bienvenue dans ce tout nouvel épisode de « Mon logement, ma vie », un podcast qui, depuis le mois d’avril dernier, donne la parole aux seniors. Des seniors déconfinés, comme le reste de la population depuis le 11 mai dernier, mais qui malgré tout comptent parmi les personnes les plus à risque. Et quand bien même le virus circule moins rapidement qu’auparavant, nous n’avons pas pour l’instant de vaccin. C’est la raison pour laquelle certains d’entre vous ont pris la décision de poursuivre cette période en restant davantage chez soi, en limitant au maximum les déplacements et en évitant les lieux de grand rassemblement. Je vous propose aujourd’hui de nous rendre dans l’Hérault. Nous allons y rejoindre un ancien gendarme. Il s’appelle Alain et vit avec son épouse et leur fils dans leur maison de Marseillan. C’est à 30 km de Béziers.
Journaliste : Alain, comment est-ce que vous continuez de vivre cette période ?
Alain : Ecoutez, à Marseillan je suis au bord de l’étang où on élève des huîtres. Vous savez les huîtres de Bouzigues. On n’est pas malheureux, j’ai un petit jardin. On sort une heure au bord de l’étang. On va marcher ou faire un peu de vélo. Alors, ça se passe bien. Mon fils est ici, parce qu’il travaille de partout sur l’Europe. Il est ingénieur de formation et court dans tous les pays : la Russie, entre autres. Là, il est chez nous. Donc, on a une personne supplémentaire.
Journaliste : Il a quel âge votre fils ?
Alain : Il a 42 ans.
Journaliste : Alors, ça fait quoi de retrouver son fils à la maison ?
Alain : Eh bien, la mère est contente. On se fait du souci aussi, parce qu’il a laissé son bébé qui avait 4 mois avec sa femme en Russie. Sa femme est russe. Il ne sait pas quand il va retourner en Russie. Il faut patienter.
Journaliste : Comment organisez-vous vos journées, du matin jusqu’au soir ? Cela ressemble à quoi ?
Alain : Une journée type. Entre 6h et 6h30, je mets RMC jusqu’à 9h. Après, je me lève. Je déjeune tranquillement. Je vais un peu dans le jardin. Je regarde, je bricole. Puis arrive le midi où des fois je pars une heure faire nos courses. L’après-midi, je fais ma sieste, jusqu’à 15h par là. Le soir, je vais un peu sur le balcon. Je lis. Enfin, je m’occupe. Je regarde beaucoup ma tablette avec mes amis. Puis, le soir, on est ensemble, on fait des jeux de société : des scrabbles… On s’occupe. Voilà. La télé, c’est dégueulasse. On en a marre des gendarmes de St Tropez, des Louis de Funès…
Journaliste : Vous les connaissez par cœur ?
Alain : Oh la la. Non, ça ne va pas ça. Ou alors des fois, je regarde la 21, parce que j’aime bien la pétanque. Il y a des reportages. Puis, les deux chaînes RMC, il y a des reportages sur la guerre… Parce que j’aime bien l’histoire. En ce moment, ils passent tout ce qui est sur Hitler. J’aime cela.
Journaliste : Au niveau de la pétanque, vous tirez ou pointez ?
Alain : Alors moi, je fais les deux. Je joue à la lyonnaise et à la pétanque. Je tire, c’est-à-dire que j’étais bon. Je suis gaucher déjà. On dit que les gauchers sont très adroits. Pour ma part, la pétanque, pas de problème. Mais, je me suis mis à la pétanque, parce que la langue commence à tirer pour tirer. Il faut les lancer les boules. Je suis déçu, parce que j’adore la lyonnaise parce que je n’aime pas pointer. Un tireur n’aime pas pointer. Puis, je ne peux plus tirer. Alors, on joue avec des vieux dans le groupe dont je fais partie. Ces vieux, ce sont des gens qui sont venus dans le Midi pour le soleil. Ils font ce qu’ils peuvent. Ce ne sont pas de vrais boulistes. C’est un peu pénible, parce que sur le jeu, il y a très peu de tireurs adroits. Sur le jeu, il y a trop de boules. On ne peut plus jouer quand on joue le dernier. Après, dans la journée, on fait des rangements de papier. Tous les dix jours, on va à Carrefour. Le restant, on se fait livrer à domicile : le pain, les légumes, les fruits… On empote un peu le jardin. Un peu de musique : radio ou CD.
Journaliste : Vous écoutez quoi comme musique ?
Alain : Ben, j’écoute Radio Hérault là. Des fois, c’est Nostalgie. Puis, une autre je pioche s’il y a quelques chansons.
Journaliste : C’est de la variété que vous écoutez ?
Alain : Oui. Mais, des fois je mets des CDs, parce que ma femme adore les grandes musiques.
Journaliste : Vous me parliez rapidement tout à l’heure d’aller faire les courses. Justement, comment vous organisez-vous pour le ravitaillement des courses et pour faire la cuisine ?
Alain : Tous les dix jours, on va à Carrefour. On fait toute notre liste. Après, à Marseillan pour le reste. Ça s’appelle « Tous légumes » ou quelque chose comme ça. On commande nos légumes et nos fruits. Le boulanger, c’est pareil, il nous livre. On en prend pour 4 ou 5 jours. Si on veut aussi, on a fait quelques extras. On est allé au restaurant, mais pas au restaurant. Les restaurants font des plats à emporter. Ici, on est dans le coin du poisson. Dimanche, j’ai mangé une bonne rouille. On s’est fait livrer quelques huitres. Samedi, on va se faire livrer des moules.
Journaliste : Ça donne envie tout cela.
Alain : Oui. Ça donne envie et ça change un peu les idées.
Journaliste : Justement, est-ce que vous en profitez pour faire la cuisine un peu plus que d’habitude ? Faire des petits plats, faire des choses différentes…
Alain : Oui. Ma femme fait un peu de tout. Elle regarde beaucoup de recettes sur les tablettes. Puis, moi, je fais ma spécialité.
Journaliste : C’est quoi ?
Alain : Ma spécialité c’est la crique ardéchoise.
Journaliste : Qu’est-ce que c’est ?
Alain : La crique ardéchoise, c’est des pommes de terre râpées finement, pas comme les carottes. Ça fait une pâte. On met un œuf au milieu. On met du sel et du poivre, un peu d’huile d’olive : moitié huile d’olive et moitié huile normale. On brasse tout ça et on fait cuire pendant plus de deux heures à l’étouffée. La dernière heure, on enlève le couvercle. Ça fait une grosse galette qui croûte. C’est très bon. Le but, c’est de bien les râper. Il ne faut pas que ce soit allongé comme les carottes. Ça prend du temps, parce qu’il faut éplucher les pommes de terre. Après, il faut les essuyer. Ensuite, il faut les râper. Je fais tout à la main, parce que je n’ai encore trouvé aucune machine qui fasse comme de la purée. Même quand je fais ça à des gens, ils n’en reviennent pas, parce qu’ils disent « on ne dirait pas qu’on mange des pommes de terre ». Tous ceux à qui j’ai fait ça, ils se sont bien régalés.
Journaliste : Et vous mangez ça avec quoi ?
Alain : Alors, après on fait des pains. Ça fait comme des galettes. Mais, ce ne sont pas des petites galettes qu’ils vous font au restaurant avec le râpé de carottes. Là, c’est vraiment à l’étouffée. C’est super bon. On mange ça avec une salade, un bout de fromage. Pas de viande, parce que c’est nourrissant.
Journaliste : Ça doit bien tenir au corps, non ?
Alain : Oui, mais c’est bon.
Journaliste : Par contre, il ne faut peut-être pas en manger tous les jours.
Alain : Non. Quand mon fils vient, il annonce la couleur : « je veux une crique et un couscous ». Parce que ma femme cuisine très bien.
Journaliste : D’accord. Donc, il passe commande.
Alain : Oui. Il passe commande.
Journaliste : Ecoutez, il a bien raison. Est-ce que vous avez mis en place des périodes de rituels ou une routine dans votre organisation que vous n’avez peut-être pas avant ?
Alain : Oh, non. Si, peu de routine, parce qu’on est obligé. Mais, pas plus que cela. Vous savez, je suis dans un coin au bord de l’étang. On ne voit pas beaucoup de monde. C’est le quartier calme. Ce qui m’ennuie le plus, c’est ma maison de campagne. Ça me manque.
Journaliste : Vous avez une maison de campagne un peu plus loin ?
Alain : Oui, dans les Alpes, au-dessus de Grenoble. Je ne sais pas si vous connaissez. Vers Lamur, là où Napoléon a rencontré les troupes du roi quand il est remonté de l’île d’Elbe à Laffrey.
Journaliste : Ça vous manque ?
Alain : Oui, beaucoup !
Journaliste : Comment est-ce que vous faites pour communiquer avec vos proches ? Il y a votre fils qui est à la maison. Ça, c’est pratique. Mais, comment est-ce que vous faites pour communiquer avec le reste de la famille, les copains, les amis ?
Alain : Tout par internet. Ma femme a sa tablette. Moi, j’ai ma tablette. Mon fils a la sienne. Sa femme a la sienne aussi. Maintenant, on s’est mis à ça.
Journaliste : Vous échangez régulièrement ? Comment cela fonctionne ?
Alain : Sans arrêt. Je passe à peu près deux ou trois heures sur une tablette suivant ma lune. Puis, ma femme avec mon fils… ils se couchent à une ou deux heures du matin. Ou alors, ils jouent à des jeux. On déplace des carrés, des cubes qu’il faut assembler… Ils font plein de jeux qui m’énervent, je n’ai pas la patience.
Journaliste : Vous avez déjà la patience pour faire votre cuisine. C’est déjà pas mal.
Alain : Oui. On bricole, on fait un peu de peinture… J’ai peint mon cabanon. On taille un peu les arbres. On regarde pousser les plantes.
Journaliste : Finalement, vous vous occupez bien.
Alain : Oui. On ne s’ennuie pas.
Journaliste : Alain, la promiscuité que vous pouvez avoir en permanence avec votre conjointe, et même maintenant avec votre fils. Ce n’est pas trop compliqué à gérer ?
Alain : Non, parce que j’ai transformé mon garage en petit studio. Lui, il est dans son studio. J’ai tout équipé. Il a sa télé. Les toilettes sont indépendantes, c’est-à-dire que chacun a ses toilettes et sa douche. Il n’y a aucun problème.
Journaliste : Dites-moi, dans quelle pièce vous vous retrouvez le plus souvent chez vous ?
Alain : Pour moi, c’est le séjour, parce que je me suis installé confortablement avec des chaises électriques et tout. Je m’allonge. Je m’assois. Je fais ce que je veux. Les bouquins ou les manettes de la télé sont à ma portée. Tout est à ma portée. Je glandouille.
Journaliste : Vous avez raison. Quand vous sortez, vous êtes équipé de masque ? Ça se passe bien ?
Alain : Alors les masques… Quand on écoute les docteurs sur RMC et compagnie, il ne faut pas sortir le masque de son étui si on ne s’en sert pas. Il faut le toucher uniquement par les élastiques. Quand vous entendez tout ça, alors que j’ai eu des masques à Carrefour. Il y en a à Carrefour Market. Les masques sont mis dans une enveloppe. J’ai bien dit une enveloppe comme La Poste. Ces masques mis dans une enveloppe ont été mis par quelqu’un. On est bien d’accord. Après, on nous dit de ne pas les toucher que par l’élastique. Alors là, le problème des masques, … Quand je vois les gens comment ils mettent leurs masques, comment ils se baladent, qu’est-ce qu’ils font ? C’est du vent ! Alors, je vais vous dire. Là, ça progresse puisqu’on a des masques de plus en plus. Quand j’irai à Carrefour, je vais être obligé de mettre mon masque, parce que les gens vont me regarder de travers. Ce masque que je vais mettre, je ne vais pas m’amuser à regarder s’il faut le toucher par l’élastique ou pas. Ce n’est pas possible. On fait des erreurs. On se frotte, mais ça sera bien. Je ferai comme tout le monde. J’aurai un masque comme les petits toutous. Mais même les docteurs, on les voit baisser des fois leurs masques. Quand vous voyez comment ils mettent leurs masques… Moi, j’ai fait quatre mois à Djibouti. Il y avait la tuberculose à 80%, de la syphillis et du choléra. On est passé à travers tout ça. On n’avait pas de masque. C’est dingue.
Journaliste : Vous trouvez qu’on en fait trop ?
Alain : Oui. On en fait trop.
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Témoignages recueillis par Jean-Baptiste Vennin